Que l’on parle de traits de personnalité, de qualités humaines, de savoir-être, il s’agit du même ensemble d’aptitudes, les « soft skills ». Comprenez celles qui se distinguent des savoir faire techniques et des savoir théoriques.
L’importance qu’elles prennent dans les emplois aujourd’hui (et demain plus encore, nous dit-on, en raison de l’incertitude et de la complexité du monde) se mesure autant dans le souci de les définir – l’OCDE, le Forum Economique Mondial, les écoles de management s’y emploient – que dans la demande des entreprises vis-à-vis de leurs collaborateurs. Une étude récente du CEREQ montre même à quel point elles influencent le niveau de salaire des diplômés[1], et un article du journal Le Monde rappelait déjà en octobre 2016, l’importance de la « personnalité » des diplômés dans la recherche d’emploi. L’article mentionnait, en particulier, la réactivité face aux imprévus, l’autonomie, un sens aiguisé de la relation client[2].
Je vous propose ici premièrement de tenter de dresser une liste des softs skills, sorte d’approche référentielle, puis d’apprendre à les identifier et à en parler.
Une approche référentielle
L’OCDE (2015), cite quatre « compétences sociales et émotionnelles »[3] : créativité, pensée critique, sens de la communication et de la collaboration. Le Forum Economique Mondial en recense dix, nécessaires à l’horizon 2020[4], et dresse un tableau comparatif avec celles préconisées en 2015 :
L’on voit bien que l’on cerne des aptitudes comportementales, généralement transversales, c’est-à-dire mobilisables dans différentes situations professionnelles. Il est intéressant de noter les « remontées » dans le classement de la pensée critique et de la créativité, et l’apparition de la flexibilité cognitive, significatives de la nécessité de faire face à une certaine instabilité et une incertitude, attendues dans le monde du travail et dans les façons de travailler.
Pour plus de pédagogie, Laure Bertrand, enseignante-chercheure en Ressources Humaines[5], classe les soft skills en quatre grandes familles[6] :
- Connaissance de soi : solidité personnelle, estime de soi, gestion du stress, des émotions, les siennes et celles des autres, capacité à la réflexivité pour apprendre de ses expériences et progresser, intelligence émotionnelle
- Dimension relationnelle : empathie, capacité à travailler ensemble, coopération, communication, leadership, écoute,
- Registre de l’action : efficacité, gestion du temps, capacité à prendre des décisions, engagement, fiabilité
- Dimension cognitive : créativité, curiosité, ouverture d’esprit, ouverture sur le monde, apprendre à apprendre.
Laure Bertrand les résume sous le terme de « compétences comportementales », en les distinguant des « qualités » humaines, qui sont innées, quand les autres sont acquises au gré des expériences de vie.
Ces savoir-être feront probablement la différence dans le monde du travail en pleine mutation sous l’effet du numérique et de l’accélération des transformations.
Une approche individuelle pour les identifier et les valoriser
Positionnons-nous à présent au niveau individuel, dans un immédiat très concret. Les questions qui se posent, de façon pragmatique, sont de savoir quelles soft skills l’on détient, comment les mentionner et les valoriser en entretien face à un DRH, à un recruteur, à un futur employeur, et comment les développer.
- Quelles sont celles que l’on détient ?
Le mieux est de se livrer à une sérieuse introspection pour inventorier toutes les savoir-être que l’on a déjà. Pour cela, partir de situations concrètes et de succès de la vie professionnelle et personnelle, puis se demander quelles ressources ont été nécessaires pour réussir. On peut également se référer à ce que les autres disent habituellement de nous.
Ensuite, l’on pourrait chercher dans quelles autres situations nos aptitudes sont transférables (pour celles qui seraient liées à un contexte professionnel particulier, mais qui peuvent être utilisées dans un autre métier, dans un contexte professionnel différent[7]) et lesquelles sont transversales. Cela facilitera la réponse aux objections éventuelles d’un recruteur sur un éventuel manque de diplôme ou d’expérience dans le poste auquel l’on candidate.
- Comment les mentionner et les valoriser ?
La tentation, lorsqu’on parle de soi à un recruteur, à un futur employeur, à un représentant des RH, est de mentionner dans les soft skills que l’on détient, l’esprit d’équipe, la capacité à travailler avec d’autres, l’aisance relationnelle, parce que ce sont les talents les plus souvent demandés par les entreprises, ou tout simplement les plus faciles à trouver, ou encore les plus « mode »…. Alors, autant se préparer à mentionner des situations réelles où on les a exercées, car les interlocuteurs ne manqueront pas d’en demander la preuve.
En effet, ils n’ont pas les moyens de les identifier dans un simple entretien, pas plus d’ailleurs de les mesurer. A ce sujet, utilisez cette marge de manœuvre de citer vous-même votre degré d’expertise dans les soft skills que vous offrez.
Par exemple, avez-vous fait face à un bug ? Avez-vous trouvé une solution ? Quelle initiative avez-vous prise ? Qu’avez-vous mis en place pour réparer ? Les « soft skills » mobilisées sont probablement la créativité, la capacité à mettre en œuvre, et bien sûr la capacité à prendre des initiatives. Autre exemple, et en guise de clin d’œil, inspirez-vous du récent post de Christel de Foucault https://www.linkedin.com/in/christel-de-foucault/detail/recent-activity/shares/ (l’expérience du chien de berger).
Si vous pensez être dépourvu(e) de créativité, intéressez-vous à l’ingéniosité, la capacité à trouver des astuces ou une autre façon de faire. Cette forme particulière d’intelligence appliquée à l’action était décrite par les Grecs anciens sous le terme de Mètis[8]. On peut parler aujourd’hui d’intelligence pratique[9]. Tout être humain en est pourvu.
S’agissant de prise d’initiative, réfléchissez aux décisions que vous avez prises, notamment dans des situations délicates ou bloquées, que ce soit d’ordre privé ou professionnel.
- Comment les développer ?
La question se pose ensuite de comment développer davantage les soft skills que l’on détient. Avec tout de suite après, celle de savoir si c’est de la seule responsabilité de l’individu (responsable de son employabilité), ou bien de celle (partagée ou non avec le collaborateur ?) de l’employeur ?
Sur la responsabilité individuelle, des exercices de développement personnel aident à se connaître soi-même de façon plus approfondie, et conduisent, quand nécessaire, à faire jouer le levier de ses qualités, aptitudes, forces et ressources, mais aussi à cerner ce qu’il y aurait à améliorer encore.
Sur la responsabilité qui reviendrait à l’employeur, l’on pense bien sûr à la formation : par exemple, mieux gérer son stress, améliorer sa communication, stimuler la capacité d’écoute, décrypter la communication de l’autre. Et bien sûr pour les managers, leur offrir une formation au coaching (mais si, mais si, on y apprend une posture transférable dans d’autres métiers que celui de coach 😊)
Enfin, sans doute le plus délicat (et le plus long à réaliser), les entreprises auraient à faire évoluer leur culture : ne pas sanctionner les erreurs si l’on veut favoriser la prise d’initiative, aplatir les lignes hiérarchiques si l’on attend davantage d’autonomie des collaborateurs, laisser des marges de manœuvre si l’on veut favoriser la créativité, etc..
Et vous, avez-vous d’autres exemples ? Qu’en pensez-vous, des « soft skills » ????
[1] http://www.cereq.fr/publications/Net.Doc/L-effet-des-soft-skills-sur-la-remuneration-des-diplomes)
[2] http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/gt2_competences-ok.pdf
[3] « Capacités individuelles se développant dans différents cadres d’apprentissage, formels ou informels, et qui ont des effets socio-économiques sur la vie des individus »
[4] Résolution de problèmes complexes, pensée critique, créativité, gestion des personnes, coordination avec les autres, intelligence émotionnelle, jugement et prise de décision, souci du service client, négociation, flexibilité cognitive (capacité d’adaptation notamment),
[5] Responsable du pôle du département « Soft Skills et Transversalité », du pôle Léonard de Vinci (Ecole de Management)
[6] https://www.youtube.com/watch?v=ZfHQeCwWLi8
[7] Cf. étude de France Stratagie http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/gt2_competences-ok.pdf
[8] Pascale Molinier (https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-01139441v1/document). Pour mémoire, Mètis était la première épouse de Zeus.
[9] « La « mètis » est une forme d’intelligence et de pensée, un mode du connaître ; elle implique un ensemble complexe, mais très cohérent, d’attitudes mentales, de comportements intellectuels qui combinent le flair, la sagacité, la prévision, la souplesse d’esprit, la feinte, la débrouillardise, l’attention vigilante, le sens de l’opportunité, des habiletés diverses, une expérience longuement acquise. » (Detienne & Vernant, 1974, p. 10)