« Arrête ça, tu te fais remarquer ! »
Combien de fois l’avons-nous entendu pendant notre enfance ?
Eh bien à l’âge adulte, nous avons intégré le message et faisons taire notre spontanéité, qui consisterait à dire ce qui nous vient instantanément à l’esprit, et nous rendons muette une partie de qui nous sommes. Bref, nous n’osons pas exprimer notre singularité vis-à-vis du groupe, et nous réfugions dans l’observation des codes qui régissent notre environnement social. Nous sommes simplement un écho du groupe, nous nous fondons dans les convenances et entrons ainsi dans le moule et dans l’uniformisation. Une sorte d’identité préfabriquée par la société.
Comment redevenir soi-même et cesser d’exister à travers un « semblant », éloigné de son authenticité, cesser d’être une copie dont on aurait ôté la couleur, la saveur, la fragrance, la musique, le ressenti. Comment s’émanciper du moule de la normalisation ? Comment cesser ce déni de soi ? Qu’en est-il alors de notre « je » ? De nos aspirations, nos désirs, notre originalité ?
Si d’aventure nous utilisons trop la première personne du singulier, les autres nous le font rapidement remarquer. Par exemple, avec un « tu ne penses qu’à toi » accusateur. La culpabilité nous pénètre alors et l’on se tait en même temps que nous faisons taire notre moi. L’on se sent accusé de narcissisme. Connoté aujourd’hui de « imbu de soi ». Condamné. Pas correct d’être « amoureux de soi ». Mais à bien y réfléchir renoncer à s’aimer soi-même est-il vraiment « bien » ? Lou Andreas-Salomé (essayiste, psychanalyste, XXème siècle) prônait l’inverse.
« Pour ma part, je ne connais que le « je ». Je ne peux pas conformer ma vie à des modèles »
Alors revenons sur ce thème et en particulier sur le mythe initial de Narcisse.
Narcisse n’a pas toujours été le vilain personnage qu’il est aujourd’hui. A l’origine, ce qu’on lui reprochait était plutôt de ne pas avoir compris que la beauté qu’il admirait dans le reflet de l’eau était la sienne. C’est cette naïveté, de croire en un leurre, une illusion et non pas de s’aimer lui-même dont il était coupable. Ovide (poète latin, 43 avant JC-18 après JC) nous explique que le mythe de Narcisse raconte en fait une métamorphose. En effet, lorsque Narcisse, leurré par le reflet qu’il contemple dans l’eau se noie, la très jolie fleur de narcisse éclot.
C’est justement l’aventure que je vous propose, celle de vous engager dans cette voie de la métamorphose ….. pour redonner vie au soi intime. Se retrouver en quelque sorte.
La métamorphose que nous pourrions tenter à notre tour, consiste à reconnaître notre image, et pas celle que nous renvoient les autres, ou même l’histoire de qui l’on est que l’on se raconte à soi-même.
La métamorphose ici, c’est reconnaître qui nous sommes au fond de nous, faire la part du leurre et celle de l’authenticité. Se connaître ET se reconnaître, c’est-à-dire laisser place à qui nous sommes réellement et nous aimer tels que nous sommes.
Voici un petit exercice pour commencer ce chemin.
Dans un premier temps, reconnectons-nous à nous-mêmes, écoutons nos ressentis, observons ce qui nous procure une joie intérieure, intime, ce qui nous procure une sorte d’osmose avec nous-même. Cela peut être retrouver un vieil ami, le rouge d’un coucher de soleil, la rencontre du ciel et de l’océan à l’infini, ou encore la qualité de ce que nous accomplissons. Ce serait nous connecter à ce qui, pour nous, est beauté et correspond à nos richesses intérieures.
Pour aller plus loin, appuyons sur pause lorsque nous ressentons une profonde émotion à l’écoute d’une musique particulière, à la vue d’un paysage ou d’un tableau.
Demandons-nous si notre émotion vient de trouver un accès à nous-même grâce à ce que nous entendons ou voyons, ou bien si elle vient d’une communion avec ce qui nous apparaît comme une plénitude, ou encore parce que c’est un moyen d’exprimer nos angoisses intérieures. Ainsi nous comprenons mieux ce qui nous caractérise. Donnons-nous le temps d’identifier ce qui nous plonge dans cet état, car c’est de notre nature profonde qu’il s’agit. Nommons-le, et voyons à quel accomplissement et à quel désir cela correspond en nous. Éliminons les leurres du plaisir à court terme, du désir mimétique, et donnons libre cours à qui l’on veut être, ce qui fait sens.
Passer du déni de soi à la reconnaissance de soi, c’est s’aimer. Se reconnaître et s’aimer c’est poser une brique supplémentaire dans la construction de son projet de vie, en ayant la vision de qui l’on veut être, dans trois ans, dans cinq ans. C’est se donner la possibilité de sortir de ce qui est déjà tracé en nous demandant si cela nous correspond, si c’est vraiment cela que nous désirons.
En fait se reconnaître c’est choisir sa route en ouvrant le champ des possibles. C’est s’engager dans sa propre vie en toute responsabilité.
A ce propos, que diriez-vous de tenter l’expérience de la vision de soi ?