Du salariat à l’entreprenariat

« De la rigidité à la créativité, de la sécurité à la prise de risque, de l’ennui à la passion, …. une envie de liberté ! »

J’ai eu la chance d’interviewer 6 personnes (2 hommes et 4 femmes, de mon réseau, âgées de 27 à 50 ans,) qui ont rompu avec le salariat (même « fui » dira l’une d’elles), et ont choisi la voie de l’entreprenariat. Je les remercie pour la richesse de leurs propos et de la confiance qu’elles m’ont témoignée. Cette synthèse leur permettra de se retrouver et de découvrir ce que les autres ont dit sur le sujet et n’a aucune autre prétention. 

Pour expliquer leur décision de quitter le salariat, les indépendants interviewés invoquent essentiellement deux raisons : en premier lieu, l’ennui et la frustration, une situation professionnelle dans laquelle ils ne se reconnaissent pas, et en second lieu, un mal-être dû à des comportements toxiques dans leur environnement immédiat.

Dans le premier cas, ils parlent d’une monotonie du quotidien due à leur cantonnement dans un périmètre déterminé sans ouverture sur d’autres tâches, les conduisant à l’ennui avec en prime une réelle frustration. S’y ajoute un sentiment d’enfermement, conforté par la perception d’un moule dans lequel il convient de se fondre, avec des horaires fixes, un lieu de travail déterminé, une uniformité (« être tous pareils, penser tous pareils »). L’absence de nouveautés, de défis à relever en a fait sombrer plusieurs dans la banalité du quotidien et a eu le pouvoir insidieux de saper leur énergie au point de se sentir vides et de s’interroger sur le sens de ce qu’ils faisaient.

Le poids de la hiérarchie et la pression des objectifs leur ont fait perdre leur sérénité avec en prime le sentiment que certains gagnent au détriment des autres : « on est enfermé, c’est très vertical avec quelques-uns qui gagnent bien leur vie et pour ça pressurisent les autres ». La charge de travail mordant sur la vie privée, les horaires tardifs et le travail pendant le week-end, leur ont fait entrevoir une vie que, justement, ils n’avaient pas envie de sacrifier : « Après un an en entreprise on se dit « ce n’est pas possible ! » ». L’équilibre du temps travaillé et du temps donné aux amis, à la famille, s’est imposé dans leur motivation de changer de statut, et certains parmi les plus jeunes ont voulu vivre leurs rêves avant de s’engager à long terme.

Dans le second cas, des relations humaines faites de rivalités, jalousies, allant même dans deux cas, vers des comportements jugés odieux « frôlant le harcèlement », ont fini par faire démissionner certains d’un emploi perçu initialement comme sécurisant mais devenu insupportable par le mal-être qu’il a fait vivre.

Le soutien de l’entourage s’est alors révélé un atout essentiel pour basculer dans l’entrepreneuriat en venant d’un CDI…. Une personne a trouvé son équilibre en devenant un « slasher » et en cumulant les deux statuts salarié et indépendant.

Au moment des interviews, tous se sentent confortés dans leur choix (« Evidemment ça vaut le coup ! »).

Pour expliquer leur satisfaction de travailleur indépendant, auto-entrepreneur, free-lance, tous disent avoir retrouvé la liberté : celle d’être acteur, de choisir ses objectifs, le niveau de rémunération souhaitée, le rythme de travail, les clients avec qui travailler, celle de décider d’actions concrètes dont ils voient les effets. C’est « une véritable bouffée d’air frais » dans laquelle certains retrouvent la passion et « le bonheur de faire ce qui plaît » par exemple dans un projet qui est le sien propre, pas celui de « l’entreprise ».  C’est surtout l’espace où s’expriment la créativité, la passion, l’originalité que l’on a en soi, c’est la possibilité d’élargir l’horizon, le sentiment de s’émanciper de la rigidité pour retrouver la curiosité, la légèreté, l’expression de ses compétences.

Certains disent s’enrichir en s’initiant et en s’ouvrant à d’autres domaines que les leurs (commercial, fiscalité, informatique, administratif …) car ils y voient une opportunité d’élargir leur savoir-faire. C’est une formation que de toucher à tous les domaines d’activité et cette opportunité répond à la peur de s’enfermer dans un seul domaine qui finira par ennuyer.

Mais d’autres disent être parfois angoissés car la liberté a un prix, « il faut s’en donner les moyens » et accepter « de prendre un risque ». La prise de risque est plus ou moins bien vécue, que ce soit le risque financier (les fonds investis, l’éventuel manque de revenus), celui de se remettre en cause, celui de se tromper, de manquer de rigueur dans l’organisation des journées, d’accepter les décisions des associés partenaires selon les cas.

L’autre risque est celui de l’isolement et un besoin de « collectif » ou bien « d’adossement » survient pour plusieurs. Ceux qui sont particulièrement exposés à la solitude ont appris à se créer un réseau de personnes de même statut qu’eux et à se retrouver dans des espaces de coworking. D’autres ont choisi un modèle économique dans lequel ils sont adossés à une structure leur offrant la logistique des employeurs classiques tout en étant indépendants.

Pour supporter cette aventure, plusieurs parlent d’un projet qui leur tenait à cœur (un rêve de jeunesse, une passion, une aspiration de vivre en cohérence avec ses valeurs) quand d’autres sont davantage dans la réaction à une situation qui ne leur convenait pas. Ce serait bien de se donner rendez-vous dans un an, dans cinq ans, pour voir où en sont les uns et les autres.

Et vous, lecteur, que vous soyez salarié ou entrepreneur, vous reconnaissez-vous dans ces histoires de vie ? Voulez-vous laisser un commentaire -ici ou en messagerie privée- pour confirmer le contenu ou bien pour l’enrichir de votre vécu ?  Peut-être avez-vous eu la tentation de ….l’avez-vous fait ?

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À Propos de l'Autrice

Je suis Cécile Banon, coach en transition professionnelle et sociologue des entreprises.

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